Quand nous étions enfants, c’est avec impatience que nous attendions le jour du sacrifice du cochon. En principe un jeudi, car nous n’avions pas classe ce jour-là, et après la foire aux cochons gras du 17 janvier à Hérépian, où papa et pépé allaient le choisir, bien gros et bien dodu. (A l’époque, on ne parlait pas de cholestérol, on ne connaissait pas ce mot).

            Le matin de ce jour mémorable, on installait le cournut (sorte de grande comporte en bois) sur la place du village, on attendait le saigneur. Les hommes aidaient à tenir la bête qui quelquefois se débattait fortement. Sitôt le sang recueilli, dans une grande bassine, sur des tranches de pain pour faire le boudin noir, on ébouillantait l’animal pour lui faire la couenne bien blanche. Une fois les tripes sorties, les femmes allaient au ruisseau pour les nettoyer.

            C’était jour de grande fête à la maison. Il fallait bien nourrir tous les participants ! Le lapin en civet sauce noire, après une bonne soupe, pour se réchauffer, car à cette époque, fin janvier il faisait très froid, et presque toujours il y avait de la glace dans les caniveaux. Au menu donc, le traditionnel ragoût de scorsonères (sorte de salsifis qu goût plus prononcé) avec du coustillon de cochon. Le poulet rôti et le gâteau fabrication maison.

            Les rallonges de la table de la salle à manger mises, nous étions une quinzaine autour.

            La sœur aînée de maman venait nous aider car elle s’y connaissait en « fricasse » (ou fatigue : noms donnés à la campagne à la préparation du porc, qui nécessitait beaucoup de travail et par-là même beaucoup de fatigue). Il n’y avait pas sa pareille, pour saler, poivrer, goûter. Je n’oublie pas la bonne odeur du thym et du poivre mêlés pour parfumer les pâtés et les boudins !!!

            L’après-midi, les femmes préservées par un grand tablier blanc, le désossage commençait, pour récupérer la viande destinée à faire la saucisse. Nous nous relayions, mes frères et moi, pour tourner la manivelle de la machine à hacher, c’était dur et pénible, mais nous n’aurions pas donné notre place pour un empire.  Une fois la viande serrée dans un grand linge blanc noué des quatre coins, on pesait le tout avec la balance romaine. Après venait le « difficile » calcul du poids du sel ; on salait de 28 ou de 30, c’est à dire 1 livre de sel fin pour 28 ou 30 livres de chair à saucisse ; (les forts en calcul se faisaient un plaisir d’effectuer la règle de trois).

            Une fois viande et sel bien pétris, on entonnait le mélange toujours à la machine, et les jolis plis de saucisse sortaient luisants et appétissants. La « fatigue » n’était pas terminée pour autant. Pour le lendemain, il restait encore à faire le fricandeau, en boules et en terrines, les andouilles et la saucisse blanche, ainsi que la graisse fine. Dans le grand chaudron de cuivre, préalablement nettoyé au sel fin et au vinaigre (et que ça brille) on mettait à fondre les parties grasses du cochon, sur un bon feu de souches de vigne. Le résidu donnait le « gratalou fin » ou rillettes que l’on mangeait en tartines. La graisse était stockée dans de grands pots de grès vernis, et servait à cuisiner toute l’année.

            AH ! cette odeur de chaudron, âcre et fade, qui nous enchantait alors et nous écœurerait aujourd’hui. Il restait encore à saler lards et jambons, un peu de poivre et de sel fin et ensuite recouverts de gros sel pendant  au moins 40 jours puis mis à sécher au grenier dans un sac blanc.

            Il était d’usage d’offrir à la famille ayant aidé à la fricasse, un boudin et un pli de saucisse, ou un morceau de « tindelle » (filet de porc ou longe), à charge de revanche.

 

            Bon appétit ! et à l’an que ben …

 

Article paru dans le bulletin d'informations de la commune de Combes en juillet 2000.