L’origine du
châtaignier est très ancienne : on a trouvé en
Ardèche dans le Massif du Coiron, des feuilles et une
châtaigne fossiles semblables à celles du
châtaignier d’aujourd’hui et datant de 8,5 millions
d’années. Le châtaignier est implanté depuis
si longtemps en Europe qu’il est difficile de faire la part
réelle des peuplements d’origine spontanée de ceux
d’origine cultivée ancienne, importés de
l’Est et plus ou moins retournés à
l’état sauvage.
Certains écrits, attestent d’un premier
développement de la châtaigneraie dans les Cévennes
Gardoises et Lozériennes au Moyen-âge. Il s’agit
essentiellement de châtaigneraies à fruits
substituée, par l’homme, à des forêts
naturelles, chênaies et surtout hêtraies. La fin du
Moyen-âge, après 1300, marquée par diverses crises
dues à des variations climatiques, épidémies de
peste, guerre de Cent ans, a vu, suite à une forte
récession démographique, un abandon partiel de la
châtaigneraie, reconquise petit à petit par la
forêt.
La très forte croissance de la population cévenole au XVIèmesiècle
a entraîne une extension sans précédent de la
culture de la châtaigne : les anciennes châtaigneraies ont
été restaurées, parfois même
créées au détrîment des chênaies.
Cette conquête n’a pu se faire que grâce à un
gigantesque aménagement de l’espace. C’est à
cette période qu’a été construite la plus
grande partie des murettes occupant les pentes, retenant la terre et
orientées de telle sorte quelles conduisent l’eau de
ruissellement vers des collecteurs naturels. S'ouvrait ainsi une
nouvelle civilisation, totalement dépendante de l’arbre
nourricier, communément appelé arbre
à pain.
Durant des générations le châtaignier fut la
première ressource alimentaire du pays. Plusieurs fois par jour,
on consommait des châtaignes, et on les utilisait aussi pour
engraisser les porcs. La feuille servait de fourrage pour les
chèvres et les moutons. Son bois servait aussi : du meuble au
plancher, de la menuiserie à la charpente, de la ruche à
la conduite d’eau … car il est imputrescible et la vermine
n’ose pas l’attaquer.
Pour assurer une bonne conservation de la récolte permettant de la
consommer tout au long de l’année, les châtaignes étaient déshydratées
dans un séchoir appelé secadou,
local à deux niveaux avec un plancher à claire voie :
la récolte était répandue au niveau supérieur et on entretenait un feu
doux en-dessous, jours et nuits, pendant plusieurs semaines. Après un
épluchage
final on obtenait les châtaignons, châtaignes
blanches que l’on préparait en soupe. Il s’en conservait aussi
quelques fraîches dans des coffres ou fosses avec du sable, qui grillées
au feu de bois dans des poêles percées, agrémentées de quelques verres
de piquette, constituaient le centre des veillées hivernales.
La maladie de l’encre,
décrite pour la première fois en Italie en 1842, fait son apparition en
France en 1860. C’est à Vialas et à Anduze qu’elle se manifeste en
premier dans les Cévennes en 1871. Elle décime les vergers, tous les
arbres peuvent être atteints mais les plus fragiles sont les sujets de 50
ans et plus. Les châtaigniers malades sont abattus et exploités pour
leur tanin, malheureusement, des arbres non atteints sont aussi coupés et
acheminés vers les usines pour leur tanin. La qualité du tanin contenu
dans le châtaignier (6%) est bien supérieure à celui du chêne, les
besoins en cuir lors de la guerre ont accéléré l’abattage des arbres,
le gain réalisé également, environ l’équivalent de 18 récoltes. Si
pendant 18 siècles la progression des châtaigneraies a été constante,
1896 marque le début de sa régression.
L’exode rural et l’abandon des terres du XX° siècle
favorise cette régression incessante d’autant que les progrès
techniques sont difficilement applicables sur les terrains pentus, il faut
récolter à la main. Une autre maladie, l’endothia
ou chancre de l’écorce, entraîne
la disparition des châtaigneraies, les arbres sont trop hauts, il est
alors difficile voire impossible de les traiter. Apparue en 1956 en Ardèche,
elle a atteint l’ensemble du territoire cévenol, donnant à certains
paysages une allure de mort : alignement d’arbres squelettiques, dépourvus
d’écorce, à leur base quelques rejets chétifs qui n’en finissent
pas de mourir.
Bibliographie: Châtaignes et marrons du Ctifl.
Cévennes les cahiers pratiques : votre châtaigneraie
Article paru dans le bulletin n° 8 de l’association « Combes au fil du temps »
Récolte des châtaignes au début du XX° siècle.
La vendange n’était pas terminée, que déjà les châtaignes jonchaient les chemins. C’est à dire qu’il n’y avait pas de trêve entre une récolte et l’autre. Nous étions occupés pendant au moins un mois, toute la famille, et en principe deux châtaigneuses (qui venaient de Murat ou Lacaune) au ramassage des marrons. Travail pas des plus intéressants, quand on pense qu’il faut rester baissé, le nez vers le sol, toute la journée, et que parfois il faisait très froid. Alors on mettait le feu à un tas de « piquants » et chacun allait prendre une flambée, pour se réchauffer un peu … surtout les doigts.
Le repas du soir commençait par la traditionnelle « padenade » châtaignes grillées dans la poêle à trous, sur un feu de sarments, et pour faire descendre ces fruits bourratifs, parfois l’on goûtait le vin nouveau.
Après le souper, inévitable séance de triage des marrons ramassés dans la journée, enlever les trop petits, les difformes et les véreux, à la lueur d’une lampe à petrole !!! Eh oui ! La fée électricité n’est arrivée chez nous qu’en 1950…
On mettait les tries sur le séchoir, où l’on faisait du feu, pendant un mois, avant de les dépiquer, ce qui donnait les châtaignons.
Deux fois par semaine, un grossiste de Saint Etienne d’Albagnan venait acheter châtaignes et marrons à tous les producteurs du village. A cette époque nous en récoltions 4 à 5 tonnes.
Tries : Châtaignes restantes après le triage, les petites ou difformes servant à la nourriture des cochons
Dépiquer : enlever les deux peaux des châtaignes de façon à ne garder que le fruit.
Récit d’une personne souhaitant rester anonyme.
Sincères remerciements